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Que faire face à un ex-franchisé qui maintient l’enseigne ou continue à utiliser le savoir-faire du réseau ?

Il n’est pas rare qu’à l’issue d’un contrat de franchise, l’ex-franchisé tarde à déposer l’enseigne ou à cesser d’utiliser le savoir-faire du réseau auquel il appartenait jusqu’alors.

Face à cette situation qui peut prendre des formes multiples (maintien de l’enseigne sur le point de vente, apposition de la marque sur le site internet du franchisé ou sur les réseaux sociaux …), le franchiseur peut parfois se montrer hésitant quant à la réaction à adopter.

Notre expérience quotidienne en la matière nous invite à recommander au franchiseur d’agir rapidement et avec la grande fermeté qui soit.

Tour d’horizon des démarches à entreprendre.

I. Faire constater la situation

Un ex-franchisé qui maintient les signes d’appartenance au réseau et continue à en utiliser le savoir-faire est, au mieux, négligent et, au pire (ce qui est beaucoup plus fréquent), guidé par la volonté de continuer à profiter, sans bourse délier, des éléments visuels, techniques et commerciaux qui lui ont permis d’asseoir la pérennité de son activité.

Dans tous les cas, les conséquences de tels comportement sont préjudiciables au franchiseur : impossibilité pour le franchiseur d’implanter dans la zone un nouveau franchisé qui subira de plein fouet la concurrence illicite d’un parasite économique, atteinte à l’image du réseau, appropriation illicite de la clientèle, confusion créée dans l’esprit du public …

Face à cela, le franchiseur devra nécessairement porter l’affaire au plan judiciaire pour faire cesser le trouble et obtenir réparation.

Il devra toutefois, en amont, se constituer la preuve des comportements répréhensibles.

En la matière, les Tribunaux se montrent particulièrement exigeants : pour recevoir favorablement la demande d’un franchiseur tendant à faire cesser les agissements frauduleux d’un ex-franchisé, le juge saisi exigera fort légitimement que soit produit un constat d’huissier de justice établissant sans contestation possible la réalité desdits faits.

Les photos, captures d’écrans et autres documents que pourrait produire le franchiseur à l’appui de sa demande n’auront qu’une valeur extrêmement faible et, sauf cas particulier, ne permettront pas de faire sanctionner le franchisé récalcitrant comme il se doit.

Le premier réflexe que doit donc avoir le franchiseur est donc celui de faire constater la situation par huissier de justice, ce qui peut se faire de deux façons différentes :

Le franchiseur saisit spontanément un huissier de justice qui pourra procéder à certaines opérations de constat qui resteront néanmoins limitées : constat sur internet, constat de l’extérieur du point de vente.

L’huissier de justice saisi de cette manière ne pourra en revanche jamais pénétrer dans les locaux du franchisé, fussent-ils ouverts au public.

Dans le même sens, il ne pourra pas accéder librement à la documentation et aux ordinateurs de l’ex-franchisé ;

Le franchiseur, par le biais de son conseil, saisit sur requête le Président du Tribunal de commerce compétent afin qu’il autorise un huissier de justice à intervenir selon une mission spécifiquement déterminée.

Cette intervention se fera, par surprise et permettra, entre autres choses, de pénétrer dans le point de vente et dans les locaux du franchisé, d’accéder à ses ordinateurs, de consulter ses emails et sa comptabilité ….

Les mesures sur requête sont généralement autrement plus efficaces que celles réalisées par la saisie spontanée d’un huissier de justice.

Elles demeurent aussi plus complexes dans la mesure où les tribunaux sont de plus en plus exigeants et veillent tout particulièrement au secret des affaires, la mesure sur requête ne devant pas être un prétexte pour venir perquisitionner chez un opérateur économique.

Le franchiseur qui agit sur requête doit donc s’assurer des services d’un avocat particulièrement au fait de cette procédure qui saura rédiger comme il se doit la requête et circonscrire les termes de la mission de l’huissier.

II. Mettre en demeure le franchisé récalcitrant

Avant le démarrage d’un réseau de franchise, le futur franchiseur doit tester avec rigueur le savoir-faire qu’il entend mettre à disposition de ses futurs franchisés.

Généralement, l’évaluation de l’efficacité du savoir-faire se fait par l’exploitation d’une ou plusieurs unités « pilotes ». Il faut toutefois noter que les tribunaux rappellent régulièrement que la création d’une ou plusieurs unités pilotes n’est pas un préalable nécessaire à la création d’un réseau de franchise, le savoir-faire pouvant être testé par d’autres biais.

Par ailleurs, une des erreurs communément commises par les futurs franchiseurs est celle de penser que leur futur réseau peut être créé avec des moyens financiers très limités, le concept se suffisant à lui-même. C’est oublier que la création d’un tel réseau implique des investissements importants en matière de communication, de conseil, de recrutement et de stratégie. En pratique, le futur franchiseur doit disposer d’une capacité financière suffisante pour construire et promouvoir son activité ainsi que pour se faire conseiller.

III. Porter l’affaire au plan judiciaire

Le maintien d’une enseigne et la persistance à utiliser le savoir-faire d’un ex-réseau n’ont rien d’anodin et justifient pleinement une action judiciaire tendant non seulement à faire cesser le trouble mais aussi à obtenir réparation du préjudice subi.

L’action judiciaire a également la vertu d’asseoir l’autorité du franchiseur au sein de son réseau.

Rien n’est pire en effet qu’un franchiseur qui, face à des actes frauduleux, reste immobile. Non seulement, il pourra donner de mauvaises idées aux franchisés les moins loyaux et décourager et décevoir ceux (beaucoup plus nombreux) qui attendent de leur tête de réseau qu’elle fasse appliquer les règles qu’eux-mêmes respectent.

En pratique, l’action en justice pourra être diligentée devant le juge des référés et/ ou le juge du fond.

Pour mémoire, le juge des référés est le juge de l’urgence et de l’évidence qui statuera dans un délai bref et permettra d’obtenir la dépose de l’enseigne et l’arrêt d’utilisation du savoir-faire, sous astreinte.

Dans des cas plus rares, il accordera au demandeur une provision sur dommages et intérêts.

L’avantage du référé est la rapidité et l’efficacité de la procédure.

Cependant, cette procédure ne se prête pas aux cas dans lesquels la situation manque de clarté : faute d’évidence ou en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés se déclarera incompétent.

Le litige pourra également être porté devant le juge du fond (l’action en référé et l’action au fond pouvant d’ailleurs se cumuler).

Le juge du fond statuera, comme son nom l’indique, sur le fond de l’affaire et n’aura pas à se préoccuper des notions d’urgence et d’évidence.

De plus, sachant qu’il ne statue pas sur provision, le juge du fond aura toute latitude pour condamner le débiteur à indemniser le franchiseur des préjudices qu’il aurait subis.

Dans la quasi-totalité des cas, les actions initiées en cas de maintien de l’enseigne et du savoir-faire sont fondées sur les dispositions du contrat de franchise arrivé à terme et se déroulent devant le Tribunal de commerce.

Cependant, il n’est pas impossible de fonder l’action sur le droit des marques en invoquant la contrefaçon.

Dans ce cas, l’affaire est portée non plus devant le Tribunal de commerce, mais devant le Tribunal judiciaire exclusivement compétent en la matière.

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Relativement abondant, le contentieux ayant trait au maintien des signes distinctifs et du savoir-faire postérieurement à la fin des relations contractuelles entre les parties nécessite beaucoup de précisions et de rigueur dans sa préparation et dans la stratégie qui l’entoure.

Bien mené, le procès permet généralement d’obtenir des décisions d’une grande fermeté à l’égard de l’ex-franchisé de mauvaise foi.

CLP Avocats est à votre disposition pour vous accompagner dans ce type de situation.

Martin LE PECHON
Avocat à la Cour
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