Dans un précédent article, nous rappelions qu’il n’est pas rare qu’à l’issue du contrat de franchise, l’ex-franchisé décide de maintenir, totalement ou partiellement, les signes distinctifs qui marquaient son appartenance à son ancien réseau.
Face à cette situation, le franchiseur doit toujours réagir vigoureusement et avec célérité car les conséquences du maintien de l’enseigne peuvent être particulièrement lourdes (atteinte à l’image, tromperie du public, détournement de clientèle, …).
CLP Avocats, qui est très actif pour assurer la défense des franchiseurs dans ce type de situation, vient d’obtenir deux nouvelles décisions qui donnent raison aux têtes de réseau impliquées et compléter la solide jurisprudence obtenue dans des circonstances analogues.
Ces décisions sont, l’une et l’autre, particulièrement intéressantes :
I. Ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce de Paris, 8 décembre 2022, n° 2022048957
Dans cette occurrence, une entreprise anciennement affiliée à un réseau de franchise de construction de maisons individuelles avait cru pouvoir, à l’issue de son contrat de franchise et au cours d’une période particulièrement longue (plus de six mois), maintenir partiellement la signalétique de son ancienne tête de réseau, nonobstant les mises en demeure dont elle avait été rendue destinataire.
Pour faire cesser le trouble, le franchiseur avait alors saisi le Président du Tribunal de commerce de Paris, en référé, réclamant de lui non seulement la dépose des signes distinctifs sous astreinte, mais également, le paiement d’un important arriéré de facturation.
En défense, l’ex-franchisé invoquait notamment le fait que le maintien de la signalétique n’était que partiel et qu’il n’avait pu matériellement la supprimer en totalité.
Il invoquait par ailleurs l’incompétence du Tribunal de commerce au motif que les franchisés étaient à l’origine des personnes physiques qui, par la suite, avaient créé une société commerciale.
Dans son ordonnance, le Président du Tribunal de commerce de Paris balaie d’un revers de manche le second des arguments soulevés par les défendeurs qu’ils condamnent tous solidairement. Il considère ainsi que la société commerciale constituée par la suite est devenue co-franchisée et en tire toutes les conséquences juridiques qui s’imposent en sanctionnant non seulement cette société, mais également, les personnes physiques signataires de l’acte originel.
S’agissant de l’enseigne, le Président du Tribunal de commerce constatant le maintien même partiel de cette dernière prononce la condamnation des ex-franchisés à la dépose de l’ensemble de la signalétique, sous astreinte comminatoire, par jour de retard.
Enfin, il condamne par provision, la société ex-franchisée à payer une grande partie des factures, dont le montant était sollicité par la tête de réseau.
Cette décision est parfaitement légitime, tant le maintien des signes distinctifs postérieurement aux termes des relations est de nature à créer un préjudice considérable pour la tête de réseau.
II. Jugement du Tribunal de commerce de Paris, 15ème Chambre, 16 janvier 2023, n° 2020043369
Dans cette deuxième occurrence, la situation bien qu’à assez proche de la précédente, s’en éloignait sur plusieurs points :
D’une part, l’activité du franchisé, bien que réglementée comme la précédente, n’était plus celle d’un constructeur de maisons individuelles, mais d’un prestataire de services à la personne destinés à un public fragile.
D’autre part, le comportement de l’ex-franchisé, devenu par la suite licencié puis ayant quitté le réseau, se matérialisait non seulement par le maintien partiel de la signalétique et des signes distinctifs de son ancien réseau, mais aussi, par l’utilisation de nombreux éléments du savoir-faire y-afférents (documentation, outil informatique, …).
Ayant découvert les agissements de son ex-cocontractant, la tête de réseau avait donc pris l’initiative d’agir non pas en référé, mais devant le juge du fond et ce, après avoir fait intervenir un huissier de justice, sur requête du Président du Tribunal judiciaire de Strasbourg.
Fort logiquement, le franchiseur réclamait la dépose intégrale des signes distinctifs, la cessation d’usage du savoir-faire et l’indemnisation découlant du préjudice important consécutif à pareils agissements.
Le franchisé faisait valoir pour sa part que les comportements qui lui étaient reprochés étaient marginaux et qu’ils avaient été en grande partie autorisés par le franchiseur et qu’en tout état de cause, sa nouvelle enseigne n’avait plus rien à voir avec celle dont il bénéficiait en qualité de franchisé puis de licencié.
Là encore, le Tribunal saisi rend une décision d’une grande orthodoxie juridique : relevant qu’il existait manifestement le maintien des signes distinctifs et du savoir-faire par l’ex-membre du réseau, il condamne ce dernier à cesser cet usage sous astreinte comminatoire, mais également, à indemniser la tête de réseau pour un montant global d’un peu plus de de 100 000 €.
Il est également très intéressant de noter que, comme s’agissant de la précédente décision, le Juge condamne solidairement à la fois la société et la personne physique associée et dirigeante de ladite société qui était contractuellement, solidairement et indéfiniment responsable.
Il est à noter que cette décision reste provisoire dans la mesure où les parties succombantes ont porté l’affaire devant le Cour d’appel.
Martin LE PECHON
Avocat à la Cour
CLP Avocats