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Rupture du contrat ou rupture des pourparlers ?

Cour d’appel de Paris, pôle 5, Chambre 4, 14 mars 2018, 15/09550

Une entreprise développant un concept de restauration signe avec un candidat à la franchise un contrat de réservation d’une durée de six mois sensé permettre audit candidat d’identifier, dans la commune de Boulogne-Billancourt, un local satisfaisant aux critères d’implantation du réseau. En contrepartie de la réservation, le candidat verse au franchiseur une somme forfaitaire.

Les démarches du candidat se révèlent inefficaces de telle sorte qu’à la fin de la période de réservation, aucun bail n’est signé.

Près d’un an et demi plus tard, le candidat reprend attache avec son franchiseur potentiel puis négocie la prise à bail d’un local situé à Toulouse avec pour objet d’exploiter un restaurant à l’enseigne du réseau. Pour faciliter la signature du bail il obtient du franchiseur une attestation l’autorisant « à ouvrir en franchise ».

A la signature du bail, intervient par ailleurs une société appartenant au même groupe que celui du franchiseur et détenant les marques exploitées par ce dernier. Cette société se retire finalement du projet et aucun contrat de franchise n’est signé entre le candidat et le franchiseur.

Estimant au vu de ces éléments qu’une relation contractuelle existait entre le franchiseur et lui et que ledit franchiseur l’a rompue fautivement, le candidat porte l’affaire en justice.

Le Tribunal de commerce de Paris ainsi saisi déboute le candidat de l’ensemble de ses demandes formulées contre le franchiseur, mais condamne la société de son groupe à indemniser le candidat au titre du préjudice moral qu’elle lui a causé.

L’affaire fait l’objet d’un appel et, devant la Cour, le candidat maintient qu’il existait un contrat avec  le franchiseur (qui, selon le franchisé, ne formait qu’un avec la société de son groupe intervenue au bail). Le Franchiseur et la société de son groupe contestent cette analyse.

L’arrêt que rend alors la Cour est intéressant.

Dans un premier temps, celle-ci relève que le contrat de réservation portait sur un territoire et une durée limités de telle sorte que ses effets ne peuvent être étendus au-delà. La Cour en conclut que faute de contrat de franchise signé, aucune relation contractuelle entre les parties ne s’est forgée, le contrat de réservation étant arrivé à son terme, la Cour constatant en outre que les parties n’ont plus eu de contact pendant plus d’une année à l’issue de la période de réservation.

Dans un deuxième temps, la Cour relève que même en l’absence de tout contrat entre les parties, le franchiseur et la société de son groupe se sont impliqués dans les démarches du candidat tendant à signer un contrat de bail, notamment en lui communiquant une attestation l’autorisant à ouvrir en franchise.

Ayant écarté toute idée de contrat, la Cour en arrive à la conclusion qu’existaient des pourparlers entre les parties, rappelant qu’une rupture soudaine de ces derniers peut constituer une faute.

Au vu des éléments du dossier, elle estime que le franchiseur et la société de son groupe qui ont apporté leur soutien au candidat lors de la prise à bail du local, ont fait preuve de négligence fautive en ne prenant pas en compte les informations essentielles du dossier et en s’en désengageant précipitamment alors que le candidat pouvait légitimement croire qu’un contrat de franchise allait être conclu.

Elle condamne par conséquent le franchiseur et de la société de son groupe titulaire des marques du réseau à indemniser le franchisé.

Il faut en conclure que si de simples échanges ne peuvent démontrer l’existence d’un contrat de franchise, le franchiseur doit faire preuve de sérieux et de retenue dans les positions qu’il prend vis-à-vis du candidat, les affirmations trop rapides et trop légères pouvant conduire, comme en l’espèce, à rendre fautive la rupture des pourparlers.

Martin LE PECHON
Avocat à la Cour
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