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De l’éternel débat sur l’appartenance de la clientèle

Cour d’appel d’Agen, 1ère Chambre civile, 13 juin 2018, 15/01348

Un franchisé exploitant un institut de beauté décide de céder son fonds de commerce à un tiers, cette cession n’emportant pas transmission du contrat de franchise.

Le territoire étant redevenu libre, le franchiseur décide d’y implanter un nouveau franchisé auquel il transmet le fichier des clients qui était jusqu’alors exploité par son prédécesseur intervenant dans le territoire.

Peu après la cession du fonds de commerce, le franchiseur s’aperçoit de ce que le repreneur du fonds anciennement franchisé fait usage d’un slogan et de signes de ralliement copiant ceux propres au réseau de franchise.

Dans ces circonstances, le franchiseur et le nouveau franchisé exploitant la zone, portent l’affaire devant le Tribunal de grande instance d’Agen invoquant à la fois la contrefaçon de marque et la concurrence déloyale.

En réponse, le repreneur du fonds fait non seulement valoir qu’il n’a commis aucun acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale mais aussi – et c’est là le sujet qui nous intéresse avant tout autre – qu’il est reconventionnellement fondé à réclamer une indemnisation du fait de l’exploitation par le nouveau franchisé du fichier clients attaché, selon le repreneur, au fonds de commerce qu’il a acquis, peu importe que le contrat n’ait pas été repris.

A l’issue de la procédure, le Tribunal de grande instance puis la Cour d’appel d’Agen condamnent de manière assez classique le repreneur sur le fondement de la concurrence déloyale du fait de l’imitation des signes distinctifs d’un concurrent.

En réalité, l’intérêt de l’arrêt se trouve ailleurs, à savoir sur la question de l’appartenance de la clientèle dont on sait qu’elle est traitée de manière très flottante.

Sur ce point, la Cour apporte une approche tout à la fois libérale et réaliste.

Libérale car elle déboute sèchement le repreneur du fond de sa demande d’indemnisation, excluant tout appartenance de la clientèle au franchisé ayant cédé le fonds.

Réaliste car elle s’appuie pour ce faire sur des éléments extrêmement concrets :

  • Le fichier client avait été constitué par le franchiseur que le mettait ensuite à disposition du franchisé, via un prestataire du réseau ;
  • Les clients abonnés n’ont pas été transmis par le franchisé cédant lors de la vente du fonds au repreneur ;

La cour conclut qu’il « appartenait à la société à la SARL BELLA ESTHETIC [le repreneur du fonds] de gérer la clientèle qu’elle pouvait développer au titre de son activité personnelle sur un logiciel, ou tout autre support qui lui était propre ».

Si au vu des faits la solution peut paraître une évidence, elle a le mérite de confirmer le principe selon lequel, en franchise, la clientèle n’est pas forcément une composante du fonds du franchisé, surtout lorsque, comme en l’espèce, des éléments concrets caractérisaient un attachement de ladite clientèle à l’enseigne du franchiseur.

Martin LE PECHON
Avocat à la Cour
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